Alors que les lois sur le cannabis évoluent partout dans le monde, de plus en plus de personnes se lancent dans sa culture, des petits cultivateurs amateurs aux grandes exploitations commerciales. Mais à mesure que l’industrie du cannabis se développe, il est crucial d’en évaluer l’impact environnemental. Une revue narrative récente de Zheng et al., publiée dans le Journal of Cannabis Research, explore précisément cette question. L’étude examine des facteurs environnementaux essentiels tels que l’utilisation de l’eau, la qualité de l’air, la consommation d’énergie, les émissions de carbone et la dégradation des sols — offrant à la fois un avertissement et une feuille de route pour une culture durable du cannabis.
Utilisation de l’eau et pollution : une plante très gourmande
La culture du cannabis nécessite beaucoup d’eau. Selon l’étude, en pleine saison de croissance, une plante peut consommer jusqu’à 23 litres d’eau par jour. À titre de comparaison, le maïs et le blé consomment généralement moins de la moitié. Même la vigne, souvent considérée comme gourmande en eau, n’en utilise qu’environ la moitié de ce que demande le cannabis chaque jour.
Dans les régions sujettes à la sécheresse, cette forte demande pose problème. En Californie et ailleurs, le prélèvement d’eau de surface dans les cours d’eau pour irriguer les champs de cannabis a un impact significatif sur ces écosystèmes. Cela met en péril la faune aquatique, notamment des espèces menacées comme le saumon ou la grenouille à pattes rouges de Californie.
Le ruissellement des nutriments aggrave encore la situation. De nombreux cultivateurs utilisent des engrais chimiques et des pesticides qui finissent dans les cours d’eau, causant l’eutrophisation et rendant l’eau potable dangereuse. Les auteurs recommandent d’utiliser des systèmes d’irrigation précis et une gestion raisonnée des nutriments pour réduire ces risques.
Qualité de l’air : BVOC et émissions liées aux engrais
L’utilisation d’engrais détériore également la qualité de l’air. La volatilisation de l’ammoniac à partir d’engrais azotés peut générer des particules fines, accentuant la pollution de l’air localement. Sans système de ventilation, de filtration et sans gestion intelligente des engrais, la culture du cannabis devient une source significative de dégradation atmosphérique locale.
Le coût environnemental de la culture en intérieur : énergie et empreinte carbone
Une grande partie de cette empreinte carbone provient de l’électricité utilisée, souvent issue de combustibles fossiles. L’étude recommande de favoriser la lumière naturelle lorsque c’est possible, de passer aux énergies renouvelables et d’équiper les installations de dispositifs à haut rendement énergétique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
En extérieur, notamment en zones montagneuses ou boisées, la culture entraîne souvent le défrichage de terres, provoquant l’érosion des sols. Sur des pentes abruptes, la pluie emporte la couche arable, nuisant à la fois aux terres agricoles et aux écosystèmes voisins. Ce phénomène est particulièrement préoccupant dans des régions sensibles comme l’Emerald Triangle en Californie du Nord.
Mais tout n’est pas négatif. Le cannabis semble aussi être une plante prometteuse pour la phytoremédiation – c’est-à-dire la dépollution des sols par les plantes. L’étude indique que le cannabis peut absorber des métaux lourds comme le plomb ou le cadmium. Cela pourrait être utilisé pour assainir des sols pollués, si cela est fait de manière encadrée.
Recommandations pour une culture durable
Avec la légalisation qui s’étend et la croissance de l’industrie, les pratiques agricoles durables sont plus que jamais nécessaires. Selon Zheng et al., voici les principales recommandations pour protéger l’environnement :
- Utiliser une irrigation ciblée : les systèmes goutte-à-goutte et les capteurs d’humidité permettent de réduire la consommation d’eau et les pertes.
- Adopter des énergies renouvelables : le solaire, l’éolien ou l’hydroélectricité permettent de diminuer fortement l’empreinte carbone des cultures en intérieur.
- Limiter les produits chimiques : préférer les engrais biologiques et les méthodes de lutte intégrée contre les nuisibles (IPM).
- Préserver la flore locale : éviter de défricher des zones boisées ou en pente, et appliquer des techniques anti-érosion comme les cultures de couverture ou les terrasses.
- Surveiller les émissions : installer des filtres à charbon pour les cultures indoor et contrôler régulièrement la qualité de l’air.
- Aller plus loin : politiques publiques et analyse du cycle de vie
L’étude souligne l’importance de l’analyse du cycle de vie (ACV), une méthode permettant d’évaluer l’impact environnemental du “semis à la vente”. Grâce à l’ACV, les parties prenantes peuvent identifier les phases à fortes émissions ou consommations et prendre des décisions éclairées. Les législateurs peuvent également s’appuyer sur ces données pour établir des limites sur l’eau, les émissions et l’usage des terres dans le secteur.
La réglementation ne suffit pas : la sensibilisation des consommateurs est également cruciale. Comme pour l’alimentation biologique ou le café équitable, des labels “cannabis durable” pourraient orienter la demande vers des pratiques plus responsables. Il est fort probable que le “cannabis éco-certifié” devienne aussi courant que le label bio européen.
Conclusion : cannabis et environnement, un défi commun
L’industrie du cannabis est à un tournant. D’un côté, elle offre des opportunités économiques et sanitaires. De l’autre, elle risque de reproduire les erreurs de l’agriculture intensive si la durabilité est négligée.
La revue de Zheng et al. est un appel à l’action. Cultiver du cannabis de manière durable ne relève plus du choix : c’est essentiel pour la biodiversité, la gestion de l’eau et la lutte contre le changement climatique. Que vous soyez producteur, décideur ou consommateur conscient, adopter des pratiques respectueuses de l’environnement n’est plus une option. C’est la voie à suivre.
Pour en savoir plus sur les résultats et la méthodologie de l’étude, consultez ce lien. Vous y trouverez l’article complet.